Union douanière et tarif douanier commun
C‑160/18 (X BV v Staatssecretaris van Financiën)
Jugement de la 4ème chambre 11 mars 2020
La Cour de Justice de l’Union européenne a jugé que la circonstance selon laquelle des marchandises importées dans l’Union ont été vendues à perte, à savoir à un prix inférieur au prix à l’importation caf, ne suffit pas à elle seule pour qu’il soit constaté que la réalité du prix à l’importation caf n’est pas avérée. La CJUE a aussi décidé que les autorités douanières doivent, afin d’appliquer des droits additionnels éventuellement dus, écarter le prix à l’importation caf et utiliser les méthodes prévues au code des douanes communautaire pour déterminer la valeur en douane des marchandises importées.
Le litige concernait l’interprétation de l’article 3, paragraphes 2, 4 et 5 du Règlement européen n°1484/95 de la Commission relatif à l’application des droits additionnels à l’importation et fixant des prix représentatifs, dans les secteurs de la viande de volaille et des œufs : Si un importateur effectue une ou plusieurs reventes sur le marché de l’Union intervenues à un prix inférieur au prix à l’importation caf indiqué de l’expédition, cette circonstance suffit-elle à établir que les conditions d’écoulement requises sur le marché de l’Union ne sont pas remplies de telle sorte que cette circonstance justifie des droits additionnels? Le requérant a aussi posé la question de savoir quelle méthode les autorités douanières doivent utiliser pour établir les droits additionnels éventuellement dus en supposant que l’importateur n’est pas en mesure de confirmer la réalité du prix à l’importation caf figurant dans la déclaration en douane.
X est une entreprise qui commercialise des produits issus de la viande de volaille congelée sur le marché de l’Union. La viande a été produite par E, un producteur établi au Brésil. La viande est soumise au système des droits additionnels prévus par le règlement no. 1484/95 et le règlement OCM unique. Ainsi, des droits additionnels peuvent être dus sur l’importation de ladite viande volaille, lorsque le prix à l’importation caf de la marchandise est inférieur au prix de déclenchement. En général, l’application de droits additionnels est justifiée par le principe que la vente de produits à un prix inférieur au prix à l’importation caf ou bien au prix représentatif en vigueur peut perturber le marché de l’Union. En l’espèce, les autorités douanières néerlandaises ont conclu avec X que le calcul de la valeur en douane de la viande est fondé sur le prix que le producteur E a facturé aux entreprises établies dans l’Union, et ont estimé que cette méthode de calcul des douanes est acceptable. Entre janvier 2009 et juin 2010, X a alors effectué 709 déclarations de mise en libre pratique pour la viande de volaille. Le prix à l’importation caf indiqué dans ces déclarations était toujours supérieur au prix de déclenchement. En conséquent, les autorités douanières néerlandaises ont admis la viande en libre pratique, sans percevoir de droits additionnels à l’importation. En novembre 2011, un inspecteur néerlandais a procédé un contrôle a posteriori sur l’exactitude du prix indiqué par X dans lesdites déclarations. Il a constaté que le prix de vente de la viande appliqué par X était presque dans tous les cas inférieur tant au prix à l’importation caf indiqué qu’au prix de déclenchement. En appliquant l’article 4 du règlement no. 1484/95, l’inspecteur à calculé le montant des droit additionnels dus sur la base du prix représentatif. En conséquent, l’avis de paiement de droits additionnels transmis à X s’est élevé à 2 163 793,55 euros.
En contestant cet avis, X a alors introduit un recours. Celui-ci a été rejeté aussi bien par le tribunal de la province de Hollande du Nord aux Pays-Bas que par la Cour d’appel d’Amsterdam. C’est dans le cadre du pourvoi formé par X que la Cour suprême des Pays-Bas a sursis à statuer et a posé la question susmentionnée à la CJUE.
La Cour jugé que la circonstance selon laquelle des marchandises importées dans l’Union ont été vendues à un prix inférieur au prix à l’importation caf, tel qu’il figure dans la déclaration en douane, ne suffit pas à elle seule à constater que la réalité du prix déclaré à l’importation caf n’est pas avérée
. La Cour a en outre fait valoir que l’importateur doit prouver que les conditions afférentes au déroulement de l’expédition des marchandises confirment la réalité de ce prix. De plus, la Cour a décidé que dans le cas où l’importateur n’est pas en mesure de prouver la réalité de ce prix, les autorités douanières doivent, afin d’appliquer des droits additionnels, écarter le prix concerné et déterminer la valeur en douane des marchandises importées selon les dispositions générales prévues aux articles 29 à 31 du code des douanes. Selon la Cour, il ne convient pas de déterminer le montant des droits additionnels dus sur le fondement du prix représentatif en vigueur, tel qu’envisagé par le règlement no. 1484/95, vu que la réglementation de l’Union relative à l’évaluation en douane vise fondamentalement à établir un système équitable, uniforme et neutre et exclut l’utilisation de valeurs en douanes arbitraires ou non avérées. En outre, si les droits additionnels étaient calculés sur la base du prix à l’importation caf, tel qu’il figure dans la déclaration en douane, un importateur pourrait avoir intérêt à déclarer un prix plus élevé en essayant d’éluder ou de réduire le montant des droits devant être payés.