Propriété intellectuelle et industrielle
C‑650/17 (Royalty Pharma Collection Trust v Deutsches Patent- und Markenamt)
Arrêt de la 4ème chambre, 30 avril 2020
La Cour de Justice de l’Union européenne a jugé que, pour obtenir un certificat complémentaire de protection, il suffit qu’un médicament réponde à une définition fonctionnelle générale employée par l‘une des revendications du brevet de base en vigueur sans pour autant être explicitement indiqué par ce brevet. La Cour a aussi décidé qu’un produit ne bénéficie pas de la protection d’un brevet de base s’il a été développé après la date de dépôt de la demande de ce brevet au terme d’une activité inventive autonome.
Le litige concernait l’interprétation de l’article 3a) du règlement (CE) no. 469/2009 du Parlement européen et du Conseil portant sur le certificat complémentaire de protection des médicaments : un produit n’est-il protégé par le brevet de base en vigueur que lorsqu’il relève de l’objet de la protection défini par les revendications du brevet ? Suffit-il que le principe actif constituant le produit réponde à une définition fonctionnelle générale donnée par les revendications du brevet, ou bien requiert-il une indication explicite du produit pour qu’il soit considéré comme partie intégrante de la méthode protégée par ce brevet ? De plus, le requérant a aussi posé la question de savoir si un produit est protégé par le brevet de base s’il n’a été développé qu’après la date de dépôt de la demande du brevet de base dans une « activité inventive autonome ».
Royalty Pharma est titulaire d’un brevet européen (le brevet de base) qui couvre une méthode de traitement de diabète sucré, à savoir la régulation du taux de sucre dans le sang par injection d’inhibiteurs d’enzymes. En 2014, Royalty Pharma a déposé une demande d’un certificat complémentaire de protection (un CCP) pour la sitagliptine sur le fondement du brevet de base et d’une autorisation de mise sur le marché du médicament « Januvia » qui se compose de la sitagliptine. Ce dernier est un type d’inhibiteur d’un enzyme qui contribue à la régulation de taux de glucose. Le médicament a été développé par un preneur de licence dudit brevet de base après la date de dépôt de la demande de ce brevet. Le développeur a obtenu un nouveau brevet séparé pour la sitagliptine.
En 2017, l’office allemand des brevets et des marques en Allemagne (le « DPMA ») a refusé de délivrer le CCP pour la sitagliptine à Royalty Pharma sur le fondement de l’article 3 du règlement (CE) no. 469/2009. Selon le DPMA, la sitagliptine ne répond qu’à la définition fonctionnelle de l’inhibiteur donnée par les revendications du brevet de base, mais celui-ci ne comporte pas la moindre divulgation spécifique du produit, de façon que le principe actif n’a pas été livré à l’homme du métier. Selon la DPMA, l’objet de la protection du brevet de base ne correspond pas au médicament développé ultérieurement et commercialisé sous le nom Januvia si bien que la demande de certificat complémentaire n’est pas justifiée. Royalty Pharma a alors formé un recours contre la décision de la DPMA devant la Cour fédérale des brevets (Bundespatentgericht) qui a sursis à statuer et a posé les questions susmentionnées à la Cour de Justice.
La Cour a conclu qu’un produit est protégé par un brevet de base « lorsque ce produit répond à une définition fonctionnelle générale employée par l’une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l’invention couverte par ce brevet «. Dans la lignée du jugement Teva UK e.a. (C‑121/17), la Cour a constaté que le principe actif concerné doit être nécessairement et spécifiquement visé par les revendications du brevet, même si celles-ci sont implicites. Selon la Cour, un homme du métier doit aussi être objectivement en mesure de déduire directement et sans ambiguïté du fascicule du brevet que le produit faisant l’objet du CCP relève de l’objet de la protection de ce brevet.
De plus, la Cour a prononcé qu’un produit n’est pas protégé par un brevet de base s’il a été développé après la date de dépôt de la demande de celui-ci « au terme d’une activité inventive autonome ». Le Cour a ainsi fait valoir qu’en l’espèce, la délivrance d’un CCP pourrait permettre à son titulaire de bénéficier indûment d’une protection pour des résultats de recherches non connus à la date du dépôt ou de priorité du brevet. En conséquence, autoriser ce CCP serait contraire à l’objectif du règlement (EC) no 469/2009.
Ce jugement constitue un précédent qui incitera les autorités en charge de la délivrance des brevets et les cours nationales à examiner avec prudence les brevets existants dans le cadre des demandes de CCP afin que ceux-ci ne soient pas octroyés à des produits résultant d’une activité inventive et indépendante.