Marques – usage dans la « vie des affaires »
CJUE – C‑772/18 (A v B)
Arrêt de la 10ème chambre du 30 avril 2020
La Cour de Justice de l’Union européenne a jugé qu’une personne est considérée comme faisant usage de la marque dans la vie des affaires lorsque, n’exerçant pas une activité commerciale à titre professionnel, elle importe sous son nom, réceptionne, détient et met et libre pratique dans un État membre des produits manifestement non destinés à l’usage privé sur lesquels une marque est apposée sans le consentement du titulaire.
Le litige portait sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/95/CE rapprochant les législations des États membres sur les marques : dans le cadre d’une accusation de contrefaçon de marque, une personne privée est-elle considérée comme faisant usage de la marque dans la vie des affaires, si elle réceptionne et conserve des produits sur lesquels est apposée une marque et les remet aux fins d’une expédition à une société qui revend ces marchandises ? Ou bien, ladite personne n’a-t-elle pas fait usage de la marque au motif qu’elle n’exerce pas d’activité commerciale à titre professionnel et elle n’a pas agi dans le cadre de sa propre activité économique, mais pour le compte d’un tiers sans être employée de celui-ci ?
Le requérant a aussi posé la question de savoir si la personne est considérée avoir accompli une importation lorsque les produits n’ont pas été importés à sa demande, mais a seulement communiqué son adresse au revendeur de ces produits lesquels ont alors été réceptionnés par la personne pour le compte du revendeur.
B est une personne physique domiciliée en Finlande qui a reçu, en provenance de Chine, un lot de 150 roulements à billes, d’une masse totale de 710 kg. Les roulements étaient utilisés comme pièces de rechange dans les mécanismes de transmission, générateurs et moteurs. Sur ceux-ci était apposé un signe correspondant à la marque international verbale INA dont A était titulaire pour les produits « Roulements ». B a accompli le dédouanement et a ramené le lot à son domicile. Après quelques semaines, B a remis les roulements à un tiers aux fins de leur expédition vers la Russie. B a reçu une cartouche de cigarettes et une bouteille de cognac en rétribution de ces services.
Une procédure pénale a été ouverte pour contrefaçon contre B devant le tribunal de première instance de Helsinki à laquelle s’est jointe A. Le tribunal a relaxé B au motif qu’il ne pouvait être établi que celui-ci avait commis une infraction intentionnelle. B a pourtant été condamné à indemniser le dommage subi par A. B a contesté la décision devant la Cour d’appel d’Helsinki laquelle a considéré que B n’avait pas fait usage de la marque dans la vie des affaires car il n’avait pas eu pour objectif d’obtenir un avantage économique mais seulement d’entreposer les marchandises pour le compte d’un tiers.
La Cour d’appel a alors jugé que la demande en réparation formulée par A n’était pas fondée. C’est dans le cadre du pourvoi formé par A contre cet arrêt que la Cour suprême de Finlande a sursis à statuer et a posé les questions susmentionnées à la CJUE.
La CJUE a conclu qu’en considérant la nature et le volume des produits, les opérations y afférentes doivent être considérées comme relevant d’une activité commerciale et, ainsi, relèvent de la condition « usage dans la vie des affaires » au sens de l’article 5 de la directive 2008/95. Par ailleurs, la Cour a aussi constaté que B a accompli une importation au sens de l’article de la directive concernée, vu que la personne a communiqué son adresse comme destination de l’expédition des produits, a procédé au dédouanement de ces produits et les a mis en libre pratique. Selon la Cour, le fait que la personne ait agi dans la vie des affaires suffit pour constater qu’elle a fait usage de la marque. La rémunération reçue par la personne, le traitement ultérieur de ces produits – notamment leur conservation au domicile d’importateur – leur mise en circulation dans l’Union ou leur expédition vers un pays tiers sont sans incidence.