Droit douanier : la Cour de Justice de l’UE interprète le Code des douanes de l’UE à la lumière de de la Convention régionale sur les règles d’origine préférentielles paneuro-méditerranéenne
Dans un arrêt rendu le 27 mars 2025 (affaire C-351/24), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a eu l’occasion d’interpréter l’article 119 du Règlement 952/2013 établissant le code des douanes de l’Union à la lumière de l’article 32 de l’appendice I de la Convention régionale sur les règles d’origine préférentielles paneuro-méditerranéenne (dont notamment l’UE et la plupart des pays du pourtour méditerranéen sont signataires).
Selon cet article 32, les autorités du pays importateur de produits en provenance d’un autre Etat signataire peuvent effectuer un contrôle a posteriori des preuves de l’origine du produit chaque fois qu’elles ont des doutes fondés en ce qui concerne l’authenticité de documents d’importation accompagnant ces produits.
Parmi ces documents, figure le certificat de traitement préférentiel de produits (dénommé certificat EUR.1). Ce certificat est délivré par une autorité de l’un des Etats membres de l’UE et accorde une exonération ou une réduction des droits de douanes à des produits importés à partir d’un des Etats non UE, signataires de cette convention. Par ailleurs, selon l’article 119 du Code des douanes, l’autorité douanière d’un Etat signataire peut imposer des droits de douane à l’importateur dont le certificat EUR.1 a été erronément établi.
Selon ce même article, l’autorité douanière doit procéder au remboursement ou à la remise d’un montant de droits à l’importation lorsque, par suite d’une erreur des autorités compétentes, le montant correspondant à la dette douanière initialement notifiée était inférieur au montant exigible, pour autant que le débiteur ne pouvait pas « raisonnablement déceler » cette erreur et qu’il a agi de bonne foi. Selon l’article 119.3, du Code des douanes, lorsque le traitement préférentiel des marchandises est accordé sur le fondement d’un système de coopération administrative impliquant les autorités d’un pays ou territoire situé hors du territoire douanier de l’Union, la délivrance d’un certificat par ces autorités, s’il se révèle incorrect, constitue une erreur qui n’était pas raisonnablement décelable
En l’espèce, les autorités douanières kosovares ont délivré des certificats de qualifications EUR. 1 à des mandarines fraîches originaires de Turquie qui transitaient par le Kosovo afin de pouvoir les exporter en Hongrie.
Après que les mandarines ont été introduites sur le territoire hongrois, les autorités douanières hongroises ont considéré que lesdits certificats n’étaient pas conformes à la convention régionale ni à la communication 2021/C418/12 de la Commission européenne relative à cette convention au motif que les mandarines, en tant que produits agricoles ne pouvaient pas bénéficier d’un traitement préférentiel dans le cadre des relations entre l’UE, le Kosovo et la Turquie. Les autorités hongroises fixèrent dès lors les droits de douane à 2 580 000 forints hongrois (environ 6 350€). S’appuyant sur les articles 116 et 119 du Code des droits de douanes, la société importatrice hongroise, Vámügynöki Kft demandait une remise des droits de douane considérant que l’erreur dont était entachée ces certificats n’était pas « raisonnablement décelable » et que par conséquent il n’était pas nécessaire de procéder à d’autres vérifications. Cette demande ayant été rejetée, la question posée à la CJUE était de savoir si l’article 119, paragraphe 3, du code des douanes de l’UE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique nationale qui permet de constater que la preuve de l’origine est incorrecte sans engager la procédure prévue à l’article 32 de l’appendice I de la convention régionale paneuro-méditerranéenne.
La CJUE a répondu que le certificat EUR.1 étant entaché d’une erreur manifeste, l’autorité douanière hongroise pouvait réclamer des droits de douane sans être obligée d’engager la procédure de contrôle prévue à l’article 32 de la convention. Elle a fondé cette décision sur le fait que les mandarines étant un produit agricole, celles-ci ne pouvaient pas bénéficier d’un traitement préférentiel et que la société Vámügynöki Kft, en tant qu’acteur expérimenté dans le secteur, aurait dû raisonnablement savoir que le certificat EUR.1 ne pouvait pas être associé à ce type de produit. L’erreur était donc dans son chef « raisonnablement décelable ».